7 Déc 2012

L’Illusionniste ne fait pas tout à fait illusion

Publié à 22h15 par et sous Magie et illusionnisme, Sorties et divertissement

Alors que les personnages de grand illusionniste sont plutôt rares au cinéma, l’automne-hiver 2006-2007 nous en offre une paire à deux mois d’intervalle : d’abord Le Prestige de Christopher Nolan, puis L’Illusionniste de Neil Burger. L’étonnante coïncidence illustre étrangement cette association qu’il y a, dans l’esprit des cinéastes, entre la magie et le thème du double. Car, comme nous l’avons vu, Le Prestige jouait diablement sur le registre des frères ennemis. L’Illusionniste, de même, traite d’une sombre rivalité entre deux intelligences supérieures, abordée sous l’angle de la duplicité, du double jeu. Si les deux films ne sont donc que de faux frères, amusons-nous au jeu des différences.

Qui c'est qu'a envie de se faire une petite partie de pétanque en forêt ?

Critique cinéma du jour : L’Illusionniste, de Neil Burger.

Le propos du film : la jalousie “meurtrière” que voue une figure de la haute société (le prince héritier d’Autriche-Hongrie, Leopold, joué par Rufus Sewell) à un remarquable illusionniste (Eisenheim, incarné par Edward Norton). L’histoire est principalement présentée du point de vue d’un inspecteur de police (inspecteur chef Uhl, en la personne de Paul Giamatti) qui enquête d’abord sur les tours du magicien, puis sur les conséquences les plus terribles de la compétition entre deux hommes rivaux en amour autant qu’en finesse d’esprit (le policier, systématiquement dépassé, n’étant finalement qu’un faire-valoir pour l’un comme pour l’autre !).

L’ambiance : Vienne à la fin du 19e siècle (on reste donc en plein dans cette Belle Epoque magnifiée dans Le Prestige, âge d’or d’un illusionnisme à grand spectacle !). La grosse machine hollywoodienne sait faire travailler en coulisses les petites mains expertes pour respecter comme il faut le cahier des charges : costumes, décors et lumières sont particulièrement travaillés.

Ce qui nous est révélé sur la magie : le film présente les effets de quelques tours de magie classiques du 19e siècle, voire quasiment légendaires aux yeux d’amateurs modernes (un doux hommage est même rendu au fameux oranger merveilleux de Jean-Eugène Robert-Houdin !). Cependant, le parti pris est d’accentuer l’extraordinaire des effets dans une mesure si fantastique qu’aucun spectateur ne songerait à concevoir une explication rationnelle, réaliste, au charme qui opère. Cinématographiquement parlant, c’est vite vu : les effets sont purement numériques – ce qui ôte certes à l’art magique la grâce de son côté artisanal, manuel, tactile… Un seul tour, très simple, est directement expliqué. La magie n’est donc au final qu’un prétexte à l’introduction du merveilleux dans le quotidien des personnages.


Edward et le haricot magique

Ce qu’on a apprécié (quoique sans excès) :

  • La construction de l’histoire : si l’on ne s’attend pas à une telle fin, hé bien, soit, le retournement qui clôt le film est plutôt satisfaisant. Cependant, soyons honnêtes : le scénario n’a pas la complexité du long métrage de Christopher Nolan (alors que le récit est ici aussi inspiré de l’œuvre d’un écrivain : la nouvelle Eisenheim l’Illusionniste de Steven Millhauser). Il y a moins de richesse dans les rebondissements, et nul n’est besoin de chercher à percer différents niveaux de lecture. La construction du récit ne témoigne pas métaphoriquement du travail de l’auteur, et ne se double pas du tout d’une réflexion philosophique sur la nature du cinéma ; la duplicité et le double jeu ne servent ici qu’à ficeler une intrigue policière simple mais efficace, en toile de fond à une histoire foncièrement romantique. Par ailleurs, nous avons trouvé l’immersion dans le fantastique moins subtile que dans Le Prestige, où le glissement progressif nous avait paru bien amené ; ici, le fantastique est comme donné, acquis, et nous ne saurons rien des trucs derrière les tours les plus impressionnants du héros.
  • L’ambiance d’une Vienne fin de siècle et la photographie, avec ses jeux de lumières prenants
  • Les acteurs, avec ici aussi davantage de simplicité que dans Le Prestige

En définitive, par rapport à son grand frère né deux mois plus tôt, L’Illusionniste gagne en efficacité ce qu’il perd en complexité. Il est simple et direct, sans détour, en dépit de ce que le final vaguement tortueux voudrait nous faire accroire. Finalement, le long métrage pâtit surtout de la comparaison avec son illustre prédécesseur : il ne serait pas sorti quelques semaines après le bijou de Nolan, il aurait pu essayer de prétendre au statut de sympathique perle.

Notre principale recommandation est donc de le découvrir AVANT de voir Le Prestige, si vous le pouvez !

Auteurs : et

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