31 Jan 2012

Bonne année, dragonneau, et bon vent

Publié à 23h55 par et sous Actualités, Economie et politique, Histoires, images et symboles, Sorties et divertissement

La tradition nous accorde quelques minutes encore pour vous glisser ces mots doux : bonne année 2012. Pour l’occasion, un article léger, sortant de l’ordinaire de ce blog. Pas d’inquiétude : nous ne saurions manquer l’occasion de dénoncer l’une ou l’autre (dés)illusion. Cependant, au prix du télescopage de sujets douteux, ce billet d’humeur (massacrante) devrait aussi vous dévoiler de quoi ce garnement de Loki est capable. L’avatar le plus sarcastique, lui qui n’est pas “bridé”. Attention, mauvais esprit !

1. L’année du Dragon : le feu et la glace

Non mais sérieusement, vous vous imaginiez vraiment que le réveillon de la Saint-Sylvestre marquait encore le passage à la nouvelle année ? Vous pensiez sincèrement remettre les compteurs à zéro le 1er janvier, au lendemain d’une nuit de cérémonie fêtant l’immolation rituelle de voitures volées et le sacrifice par noyade de clochards avinés ? Comment pouviez-vous décemment croire que, la dinde de Noël tout juste vomie, les cadeaux mal emballés déjà revendus sur internet, il suffisait d’attendre les vœux d’un Président annonçant un nouveau cycle de crise avant de vous autoriser à sombrer dans la décadence, et vous réveiller purifiés, enfin, au matin de l’an neuf ?

Les vieilles horloges ne fonctionnent plus. L’année vient tout juste de commencer : elle n’a qu’une semaine. Le changement est arrivé avec la nouvelle lune, le 23 janvier. Le calendrier julien, nous l’avons abandonné il y a bien longtemps; tôt ou tard il nous faudra renoncer au calendrier grégorien : oublions nos vieilles lunes, passons directement au calendrier chinois. Embrassons notre futur. L’Amérique ne nous protège plus : les Mayas ont prophétisé notre fin. L’Afrique n’a pas fini de ne pas entrer dans l’Histoire, l’Antarctique brûle, l’Océanie n’a toujours pas réussi à nous expliquer à quoi elle servait. Le salut vient de l’est : tournons-nous vers l’Asie.


“Hé bien, travaillez, maintenant !”

Car, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, nous sommes sur le point d’être rachetés par la Chine. Esclaves qui s’ignorent, nous vivons à crédit sur le dos de la bête à poil, qui ne tardera pas à déclarer l’annexion officielle de la France à l’Empire du milieu. Bienvenue dans l’année du Dragon : Pékin souffle le chaud et le froid. Le centenaire du naufrage du Titanic peut-il nous offrir autre chose qu’une croisière infernale ? 2012, c’est l’année du Dragon, mais un dragon d’eau (aussi appelé, et c’est tout à fait lugubre, “dragon noir”). Il ne crache plus le feu, non : il se noie !

Ainsi notre dragonneau national nous parlait-il fièrement à la télévision, dimanche soir. Faisant des moulinets de ses petits bras musclés, il annonçait moult mesures volontaires, mais oubliait l’essentiel : nous souhaiter, et souhaiter à nos amis de Chine, une bonne année du Dragon. Ses conseillers auraient pourtant dû lui faire comprendre qu’il ne servait plus à rien de nous adresser ses vœux le 31 décembre ! Tandis que célébrer le passage de la nouvelle année dans le calendrier chinois, au contraire, nous aurait attiré la sympathie de nos créanciers. Voici ce qu’il aurait dû nous dire, le Sarko, s’il était clairvoyant et honnête :

“Mes chers compatriotes,

Bon je vais faire vite, parce que je dois retourner profiter d’une nuit câline avec Carla avant qu’on nous impose une politique de l’enfant unique. Pourquoi ? Hé bien je vais vous le dire, madame Chazal.

On ne peut plus se le cacher : aujourd’hui, c’est les Chinois qui mènent le monde à la baguette (voyez l’état de délabrement du pays : Guaino écoute Rire & Chansons, maintenant).

Et bientôt leurs baguettes remplaceront la nôtre au panthéon national. On vous l’a pas dit, mais la seule chose qu’on se demande encore en conseil des ministres, c’est à quelle sauce (aigre-douce) on va se faire manger.

Alors montrons patte jaune à nos amis de Chine, prosternons-nous, courbons l’échine. Adoptons leurs us et coutumes, qu’ils se sentent ici chez eux. Lançons un nouveau plan de rigueur : mettons-nous au riz à tous les repas, apprenons à nos enfants à chanter au karaoke, et que chaque Français fasse l’effort de perdre 20 cm pour l’occasion. Sauf moi.

Bonne année du Dragon à tous.

Vive la République, vive la France, et vive la Chine.”

Il aurait dû nous parler ainsi, le chef de l’Etat, fautes de français incluses. Sans chichi, sans langue de bois (d’acajou). Au lendemain de son anniversaire, au soir du défilé du Nouvel an chinois dans le 13e arrondissement de Paris, à moins de 3 mois des élections présidentielles, on aurait apprécié de l’entendre “parler vrai”, pour une fois. Et de le voir faire son possible pour sauver les meubles.

Le dragon du Führer

Sauf que les meubles sont déjà en sursis : malheureusement, il n’y a pas que les baguettes qui menacent notre patrimoine national. Vous en doutez ? Pas notre Président, qui n’avait pas à porter son regard bien loin pour en avoir la preuve. L’épée de Damoclès (rachetée par les Chinois en même temps que la dette italienne) plane au-dessus du palais de l’Elysée lui-même, depuis lequel notre Petit père du populo nous haranguait dimanche. Et si vous aussi vous l’avez visité lors des dernières Journées du patrimoine, vous ne pouvez pas l’ignorer…

2. Les journées du gros patrimoine

Les 17 et 18 septembre 2011 se tenait la 28e édition des Journées du patrimoine, devenues européennes grâce au lobbying français, paraît-il. Votre serviteur se devait de visiter l’un des lieux chéris du public, accueillant près de 22 000 badauds en moins de 48h : le palais de l’Elysée, saint siège de la présidence de la Ripoublique (site internet pompé sur celui de la Maison blanche, évidemment).

"Elysée, Elysée, Elysée saute-moi au cou"

Note à l’attention de ceux qui n’auraient pas bien compris l’enjeu des Journées européennes du patrimoine (JEP) : comme leur nom l’indique, l’objectif de ces deux journées de fin de semaine est de mettre en avant le “patrimoine”. En théorie, donc, c’est l’héritage matériel et immatériel de notre pays qui est célébré. Ce qui explique par exemple que, dans les dépliants distribués partout, l’accent soit autant mis sur l’architecture (style, différents propriétaires et aménagements) et la décoration (tapis, lustres, mobilier, vaisselle…).

Certes, pour l’occasion, de nombreuses institutions ouvrent les portes des édifices qui les abritent. C’est néanmoins par un glissement de sens que le vulgum pecus appréhende les JEP comme l’occasion d’aller voir de plus près comment fonctionne la machine étatique et comment travaillent nos représentants mal élus. En pratique, les JEP prennent ainsi une tournure tout à fait populaire (au sens de : “ben dis donc, y a du peuple, ici !”). Beaufs de France et de Navarre mettent les pieds dans les palais du pouvoir, découvrent les ors de la République, ouvrent de grands yeux ronds, et s’exclament à l’unisson : “bordel, et c’est nous qu’on paye avec nos impôts !”

(Du reste, s’ils veulent constater ce à quoi contribuent leurs taxes et prélèvements, il leur suffit de se rendre à l’hosto ou de récupérer leurs gosses à la sortie de l’école. Mais, allez savoir pourquoi, ça les impressionne beaucoup moins.)

La grille du Coq : pour les poules du Président

Courte chronologie des évènements de la matinée du 17 septembre 2011, en insistant sur les moments forts de la visite :

1. Michel Drucker l’ange-gardien

Votre serviteur se pointe dès 6h45 devant le Studio Gabriel, de renommée druckerienne. L’âme de l’archange, le gendre idéal, le confesseur des puissants, veille sur le berceau présidentiel, à deux pas de là. La foule qui serpente jusqu’aux grilles du palais semble déjà massivement infiltrée par les envahisseurs. De tous côtés, ce ne sont que personnages aux traits asiatiques. Touristes en goguette ou étudiantes anglophones se faisant dragouiller par des puceaux d’école d’ingé (de l’utilité des programmes d’échange pour le déniaisement de la recherche scientifique occidentale…), la menace prend multiples formes, mais s’insinue comme un poison.

2. Déjà la flicouille cafouille

La police trouve le moyen de briller devant son maître : les premiers représentants des forces du désordre ne déboulent que vers 7h, accompagnés de leur attirail de barrières anti-populace ; ils sont tout de suite dépassés par la puissance du flot à canaliser. La régulation du transit s’opère laborieusement ; enfin les gardiens de la paix nous la fichent, la paix.

Et puis non, vraiment, c’est plein de Chinois, encore plus qu’aux Galeries Lafayette à l’approche des fêtes de fin d’année. La foule grossit : des ados qui piaillent, des Chinois, des familles de mal élevés, des provinciaux, des Chinois et des vieux. Et des Chinois. Des doubleurs invétérés s’incrustent subrepticement ; aucun grognement ne se fait entendre, les ingénieurs étant trop occupés à improviser la signification des sigles des partis politiques français pour impressionner leurs dulcinées chinoises.

Bonsaï !!!

3. Le tapis vert

Après 3h de queue, on peut enfin fouler le tapis déroulé sur la pelouse élyséenne ; l’herbe fraîche est interdite aux bottes des pouilleux. L’entrée se fait par le jardin à l’arrière du palais, plus petit que celui de Matignon, par la grille dite “du Coq” – non pas qu’elle soit ornée d’une moulure de la mascotte française, le fameux animal de basse-cour continuant à chanter même les deux pieds dans la merde, mais parce que la porte dérobée sert aussi à introduire les conseiller(es) les plus spéciaux(-les)…

Le palais paraît étonnamment exposé aux menaces extérieures. A vue de nez, ça ne semble pas trop dur pour un monte-en-l’air déterminé de s’introduire dans la propriété, ou au minimum de balancer des micro-espions dans les fourrés. Sauf à ce que lesdits fourrés cachent en réalité des dispositifs technologiques ultra-sophistiqués, aptes à détecter la moindre intrusion (de l’éléphant du PS au plus minuscule des insectes). Mais bon, c’est difficile à croire, on est quand même en France.

Une séance photo pour graver dans le pixel son passage par le palais, et l’on peut enfin pénétrer le premier bâtiment vers 10h45.

Ça doit être ça qu'on appelle la politique de l'autruche

4. 2011, l’Elysée de l’espace

Vous allez croire que c’est une obsession, m’enfin, ce n’est pas de notre faute : après le classieux salon d’Argent, la salle à manger Paulin ressemble à l’intérieur d’une capsule spatiale tirée tout droit d’un film de Kubrick – d’ailleurs les deux tables rondes à plateau “de verre fumé” (comme les lunettes de beau gosse de notre Président) sont recouvertes d’une matière plastique qui avait servi pour les cabines Apollo ! Sous un lustre de 9 000 tiges et billes de verre, l’une des pièces de mobilier les plus kitschissimes que la Terre ait portées : deux autruches se disputent une planche surmontée d’un œuf. Est-il besoin de préciser que la modernité de cette pièce témoigne du goût de Pompompidou pour l’art contemporain ?

Mieux vaut jeter un voile pubique sur ce qui se trame au ras de la moquette, et se concentrer sur les araignées au plafond

La visite de l’aile est se poursuit par la traversée de la bibliothèque, alcôve chaleureuse où les chefs de la République aiment à se faire tirer le portrait officiel.

5. La sortie de l’être divin

11h, nous ressortons à temps : il semble que le couple présidentiel daigne honorer le peuple (de Chine) de son amical coucou. L’imminence de leur sortie ne fait aucun doute : les agents de sécurité deviennent plus tendus que les strings des attachées de presse bimbos qui multiplient les allers-retours entre les photographes affolés et les teneurs de perche aux bras levés.

Enfin l’image divine apparaît : main dans la main avec son mannequin engrossé, Nicolas Sarkozy affiche son sourire forcé, claudiquant de sa fameuse démarche de cow-boy. Mari et troisième femme gribouillent des runes indéchiffrables sur des carnets présentés par des mains fébriles, d’autres mains non moins avides sont serrées virilement, quelques mots échangés.


“Merci pour (de ?) votre gentillesse” (c’est presque inaudible, mais notre Président semble coutumier de la réplique) Notre gentillesse ? Pfff… Comme si Loki était gentil.

Et déjà rictus et ventre rond retournent à leurs appartements.

Il n’empêche. Nous l’avons vu : Il existe.

6. Que de salons

De quoi vous faire grimper au rideau

L’aile ouest s’ouvre sur l’immense Salle des fêtes, propice à l’organisation des cérémonies officielles : réceptions d’autres chefs de gouvernement démocratiquement imposés, remises de breloque, verroterie et colifichets, représentation d’une pièce de théâtre avec Louis de Funès (véridique), conférences de presse devant les journalistes des canards laquais, orgies sataniques…

Quand certains se rêvent prince d'Egypte, on n'est pas dans la Mouise

Passons sur l’enfilade des salons, dont celui du conseil des sinistres, pour en venir directement au clou de la visite.

7. Le bureau : un inventaire à la Prévert

Versailles 1789, Elysée 2012, même combat

Le salon Doré sert de bureau à notre Sarko Ier. Il regorge d’objets et de détails offerts à la vue perçante du visiteur curieux (le planton de service nous assure que rien n’a été rajouté pour l’occasion, mais il est permis d’en douter) :

  • sur le bureau, de drôles d’animaux : un rhinocéros blanc, une tortue (Speedy Sarko ne ressemble-t-il pas plutôt au lièvre de la fable ?)

  • deux combinés de téléphone d’un autre temps (probablement en ligne directe avec Pékin : notre “téléphone jaune” à nous), et posée sur le meuble derrière, la sculpture d’une main tenant un cigare (ça nous rappelle une histoire avec Clinton…)

  • sur la cheminée, une lame inca et la photo symbole de l’appel du 18 juin à côté d’une icône orthodoxe (?) et d’une figurine nègre
  • dans la bibliothèque : un livre sur Bill Clinton (tiens tiens, décidément), un autre sur Sarkozy lui-même, un autre sur le courage… Aucune trace de La Princesse de Clèves !

  • et sur ce meuble rassemblant une véritable galerie des horreurs, tout est dit : un bouledogue hargneux, des symboles policiers (petites voitures, insigne du RAID…), un obélisque (court mais épais) et des caricatures du Président de taille diverse, façonnées dans des matériaux variés (il y a même un santon !)

Pas de télé, ni ordinateur, ni radio, ni chaîne hi-fi. Et pas l’ombre d’une Rolex !

A bientôt, salon Doré ! Quand nous reviendrons te voir, ce sera pour nous asseoir sur la chaise derrière ton bureau. Si si.

8. Le retour à la lumière

Il reste encore quelques rares pièces à visiter ; difficile cependant d’égaler l’intérêt du salon Doré. Dans la cour du palais, de chouettes véhicules, dont la jeep préférée de notre va-t-en-guerre national (il aurait déclenché le conflit en Libye plus tôt, ça nous aurait épargné tous les tracas de la libération des infirmières bulgares).

Alléluia, le Président-Soleil nous est apparu !

Nous sortons du palais à 12h45. Soit, après environ 4h d’attente, 2h de visite à un train de sénateur, infiniment lent, et qui poserait des questions à tout ce qui bouge.

Bilan : l’état des lieux

Bon alors, quel est le problème ? En quoi la traversée de l’Elysée illustre-t-elle le sursis dont bénéficie la France face au Grand Dragon d’Asie ?

Mais voyons, c’est évident ! Cette foule de Chinois dépêchés en France pour les Journées du patrimoine : ils sont envoyés comme éclaireurs pour commencer à répertorier tout ce qu’ils peuvent nous racheter. Nous croyons avoir affaire à de vulgaires touristes ; que nenni, ils dressent déjà l’état des lieux. Les bridés fixent un prix sur chacun des bijoux des famille que nous devrons brader, contraints et forcés, le moment venu. Pauvres de nous. Préparons-nous au grand déferlement.

Martine travaille chez DSK

Est-ce qu’elle aurait pu faire mieux, Martine ? Ah non, c’est vrai, c’est François qui a finalement été mis en avant par le parti d’opposition. Et lui, donc, s’il venait à prendre les rênes de l’Etat cette année, est-ce qu’il défierait l’ordre mondial, est-ce qu’il accepterait de se battre pour nous ? Nous sommes sur nos gardes.

La Fureur de l'Elephant

Au fait, nous venons de nous rappeler que nous n’avons pas sollicité l’autorisation de notre Président pour inclure une courte vidéo de sa performance boiteuse. Nous nous y collons de ce pas (dialogue à peine imaginaire) :

– Je peux ?

– Mais oui, vous savez, j’adore qu’on parle de moi. Comme P.T. Barnum [NDLA : montreur de freaks] le clamait : “peu m’importe ce que vous racontez sur moi, du moment que vous épelez correctement mon nom !” En tout cas, c’est ce que mes conseillers m’ont noté sur mes petites fiches de citations.

– Monsieur le Président, merci de votre gentillesse. Merci infiniment, Monsieur Sarcosie.

 

Pour aller plus loin : d’autres reportages photo sur la visite de l’Elysée valent le détour ici (2007),  (2009) et surtout là-bas (2010)

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2 réactions à l'article « Bonne année, dragonneau, et bon vent »

  1. chape fluide a écrit :

    Salut, Ce blog m’a bluffé. Vous dialoguez des choses qui m’intéressent vraiment beaucoup. Et la tête de votre site est de toute beauté. Ciao.

  2. Maître Lupin Maître Lupin a écrit :

    @chape fluide : Merci !