La main occulte
Publié à 17h30 par Maître Lupin et Doktor Igor sous Histoires, images et symboles, Mentalisme et hypnose, Psychologie, Scepticisme et zététique
Pour notre 13e article, à quelques jours de Noël, il est temps de vous faire un beau cadeau : un cas d’école en matière d’exercice de son esprit critique. Une solide “théorie du complot”, avec ses sociétés secrètes, son oligarchie toute-puissante et ses moyens de contrôle des masses. La culture populaire est-elle noyautée par des pouvoirs occultes ? Les médias assurent-ils le règne des symboles ? Et quel est le lien avec les personnalités multiples ? Enquête en deux parties ; profitez-en, c’est la maison qui régale.
“Symbols rule the world, not words nor laws”
Citation adaptée de Confucius et reprise sur le site du Vigilant Citizen
Il fallait que ça arrive. Avec ces satanées histoires de cons peloteurs, ça nous pendait au nez ; nous allions bien devoir nous intéresser aux accusations de désinformation que se jettent à la figure “conspirationnistes” d’un côté et “moutons” ou “perroquets” de l’autre. A quoi bon développer notre auto-défense intellectuelle si l’on ne peut pas analyser des cas concrets de manipulation et d’influence secrète ? Et puis, après tout, dans un an pile, nous serons tous morts, n’est-ce pas ?
Évacuons ici une question de définition, non essentielle dans le cas qui nous occupe : une théorie dite du complot postule l’existence d’une conspiration œuvrant en coulisse pour détenir, exercer ou maintenir son pouvoir. Là où l’explication dominante décrit l’occurrence d’évènements sans faire intervenir de plan savamment orchestré, les tenants d’une telle thèse, quant à eux, y voient la main d’un groupe secret d’individus motivés et organisés. Dans leur théorie, faits et situations s’interprètent comme des actes conscients et volontaires, comme le résultat de stratégies complexes mûrement réfléchies plutôt que par le simple effet d’erreurs, de la nature ou du hasard.

De Staline à Washington, la main invisible de l'économie nous a quand même filé de sacrées paires de tartes
Pour bien faire, nous devrions éviter les qualifications de “théorie du complot” ou “conspirationniste”, connotées bien trop péjorativement. Parce que nous, ces idées, a priori, nous ne les voyons pas d’un mauvais œil (qui-voit-tout). Au contraire, vous dirait même Loki – mais ça n’engage que lui, parce que, pour le petit démon, le verre est toujours à moitié vide. De fait, après la présentation des idées par Dr Igor, c’est Mario qui s’y collera, or lui s’astreint à juger sur pièce : il va nous appréhender les thèses avancées “à la martienne”, en s’efforçant de taire nos préjugés.
D’où en introduction ce double message :
- camarade conspirationniste : il n’y a rien à gagner à crier tout de suite à la caricature ou à la stigmatisation ; voyageons ensemble si tu es un honnête homme, et tu pourras nous expliquer tes idées en chemin si tu le souhaites
- ami sceptique et zététicien : comme le dit Henri Broch, “le droit au rêve a pour pendant le devoir de vigilance”, donc nous nous efforcerons d’être vigilants, soit, mais s’il te plaît, fais preuve d’ouverture et rêvons ensemble, aujourd’hui, rêvons éveillés – à quelques jours du réveillon 🙂
(Et le premier qu’on entendra marmonner “non mais c’est proprement ridicule” sera envoyé au piquet sur-le-champ !)
1. La théorie : pouvoir, secret et manipulation
L’élégance des théories du complot tient à leur capacité à mêler des thématiques différentes et trouver une signification commune à toute une foule d’actions et de phénomènes. On estimera les théories d’autant plus riches qu’elles parviennent à donner du sens à des évènements dont on peine à comprendre la logique, puis à les lier les uns aux autres comme s’ils résultaient d’une même machination, ourdie par une même clique d’êtres malveillants.
C’est à se demander si le Graal convoité par les conspirationnistes prendrait la forme d’une théorie du Tout, comme en physique, une théorie ultime qui unisse en un grand ensemble la totalité des phénomènes associés à la vie humaine. D’où la résonance d’une explication de type “Matrice”.
Une bonne candidate à ce titre de “mère de toutes les théories” fait jouer un rôle central à des créatures terrifiantes : les reptiliens. Son plus fervent défenseur, David Icke, ancien journaliste sportif et membre du parti vert britannique, réalise une habile synthèse de plusieurs types de théorie, auxquels il a rajouté quelques éléments d’improvisation personnelle (rappel : nous écrivons ceci sans jugement de valeur). Il affirme ainsi que le monde est secrètement gouverné par une race de reptiles humanoïdes, infiltrés dans les plus hautes sphères du pouvoir. Leurs représentants incluent la Reine d’Angleterre, les clans Rothschild et Rockefeller, George Bush et même Hillary Clinton (et en France ? Jacques Attali, Alain Minc, BHL ?).
Avons-nous omis de préciser qu’ils peuvent changer de forme ? C’est plus pratique pour passer (presque) inaperçu : leur ADN hybride leur permet de revêtir une apparence humaine, qu’ils conservent aussi longtemps qu’ils peuvent se nourrir de notre sang (saviez-vous qu’Al Gore ne se déplace jamais sans sa mallette de sang ? Allez croire à ses histoires de réchauffement climatique, après !). Plus généralement, ils se repaissent de nos énergies négatives, libérées lorsque nous cédons à des comportements délétères ou destructeurs (agression, intolérance, fascination pour l’ordre…). Ainsi formulée, la théorie joue habilement de plusieurs thèmes :
- Nouvel Ordre Mondial : le monde est dominé par une Fraternité (Brotherhood) constituée de lignées héréditaires (aristocratie européenne, establishment américain…) qui prétendent créer une société d’esclaves contrôlés par puce électronique
- satanisme et paganisme : l’appétit des reptiliens pour le sang et la violence les pousse à pratiquer magie noire et sacrifices rituels ; grands consommateurs de drogues, ils se livrent régulièrement à des actes de perversion sexuelle, notamment sur les enfants
- ufologie : les reptiliens résultent de croisements entre des familles du Moyen-Orient (on retrace leur origine terrestre jusqu’à Babylone et Sumer) et d’une race de dieux extra-terrestres en provenance de la constellation du Dragon, les Annunakis (littéralement, les dragons de nos mythes et légendes), attirés sur Terre par les métaux que recèlent notre sous-sol (pour ceux qui en doutaient encore, le film Avatar n’a rien inventé)
- théories de la Terre creuse : notre planète, justement, possède une surface interne habitable (habitable par des reptiles, du moins, qui de fait ont élu domicile au sous-sol)
- mais aussi l’astrologie (êtes-vous initié aux mystères du treizième signe astrologique, le Serpentaire ?), les Aryens, les différentes dimensions de l’univers, la lune…
Mœurs, société, politique, religion, histoire, géographie, géologie, science, astronomie, phénomène OVNI, astrologie… Le foisonnement, la variété et la complexité de la théorie reptilienne de David Icke la rendent particulièrement attrayante.

Ceux qui ont encore en mémoire ce chef-d'œuvre du cinéma se souviendront qu'un autre Mario a déjà eu affaire aux reptiliens !
Néanmoins, nous l’avons écrit, nous voulons éviter de plaquer des schémas préétablis sur la thèse qui fait l’objet de cet article. L’essentiel du matériau de référence pour notre étude nous provient d’un site épatant : The Vigilant Citizen, VC pour les intimes – les plus mauvaises langues d’entre vous diront d’ailleurs que le contenu du site est justement au niveau des WC, mais si une telle langue de vipère s’agite entre vos crocs, c’est probablement que vous êtes un reptilien 😉
L’auteur, qui conserve son anonymat, apparaît comme un Robert Langdon de chair et de sang (ou du moins de bits et de pixels) : féru d’ésotérisme et de sciences occultes, le monde n’est pour lui qu’une forêt de symboles. Pas n’importe quel type de symboles, toutefois : ceux attachés aux mythes antiques, aux religions à mystère, aux sociétés secrètes… Né au Canada, il affirme avoir étudié la communication politique et produire de la musique en indépendant. Son expérience du milieu des artistes et de la production musicale l’aurait amené à découvrir la face sombre de l’industrie du divertissement ; il n’évoque pas d’histoires personnelles, pourtant, et tente de convaincre son public en partant des sources auxquelles chacun peut avoir accès : l’actualité et les médias de masse.
Sa thèse n’a pas la prétention universaliste de la théorie reptilienne ; lui se contente de 3 des thèmes qui peuvent en constituer des briques élémentaires :
- l’influence d’une élite secrète
- les sociétés occultes
- la manipulation mentale et le contrôle des masses
Chacun des thèmes se décline lui-même en sous-thèmes qu’il est utile d’expliciter.
a) L’élite et le Nouvel Ordre Mondial (qui ne dit pas son N.O.M. 😉 )
Une élite concentre entre ses mains le pouvoir politique, économique et financier : on désigne communément ses membres sous le terme d’Illuminati (nous en entendons déjà parmi vous qui poussent des hauts cris : calmez-vous donc, et lisez la suite !). Le vocable ne fait pas tant référence aux Illuminés de Bavière (non, pas les supporters du Bayern de Munich) qu’à une caste secrète d’individus positionnés au plus haut niveau de décision au sein des gouvernements, des industries et des banques.
L’élite entend dominer et contrôler les masses, en particulier à travers les médias et les moyens de diffusion grand public, qui lui appartiennent. Cette influence sur l’information et la culture populaire lui permet de relayer son message pour nous guider vers le futur qu’elle nous propose :
- l’Etat policier : obsédée par l’ordre et la surveillance, la machine étatique flique sa propre population, observe ses actions et traque ses moindres mouvements (le fameux mythe de Big Brother) ; le besoin de “sécurité” entraîne l’érosion des libertés individuelles, et tout acte de protestation déclenche une violente répression
- la militarisation : pendant militaire de l’extension des pouvoirs de la police dans la société, le renforcement des moyens de l’armée, qui s’appuie sur un développement massif du complexe militaro-industriel au détriment des projets sociaux, place dans un état de guerre imminente (et permanente) des nations à l’agressivité exacerbée
- le contrôle des populations : au niveau social, de toute façon, guerres à outrance, épidémies manufacturées et campagnes de vaccination forcée permettent de maintenir la taille des populations dans des limites raisonnables ; l’extermination s’arrête là où les besoins en main-d’œuvre esclavagisée se font sentir
- le transhumanisme : la recherche scientifique et technologique vise la convergence entre humains et machines (robots) dès lors que l’homme, trop fragile par nature, doit compenser ses lacunes par le recours aux drogues chimiques et aux prothèses bioniques ; idéalement, il sera conçu à la naissance comme un être parfait (eugénisme)
A terme, les démocraties fusionnent : l’humanité vit sous l’égide d’un grand gouvernement mondial. Enfin, ce qu’il en reste, puisqu’on nous prédit un monde dans lequel seuls les plus riches, les plus forts et les plus beaux ont une place. Il ne peut en rester que quelques-uns, soigneusement sélectionnés. Statistiquement, vous n’en faites vraisemblablement pas partie.
b) Les sociétés secrètes
Les membres de l’élite appartiennent à des confréries occultes détentrices de savoirs anciens. De l’